L’accessibilité du RER parisien : On aurait pu faire mieux pour les JO !

6 mai 2024
8 min
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Giovanni Bernabé Capra
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Si l’arrivée des Jeux Olympiques et Paralympiques dans la plus belle ville du monde permet en effet d’avoir un moment unique qui n’arrive qu’une fois tous les 100 ans, nous sommes forcés de constater que l’on aurait pu faire beaucoup mieux en termes d’accessibilité à un coût raisonnable.

Aujourd’hui pour se déplacer dans Paris lorsque l’on est en fauteuil roulant, nous avons le choix entre des plates-formes de réservation de transporteurs PMR, un réseau de bus, des tramways, une ligne de métro sur 14, et notre fameux RER.

Détail de l’offre actuelle et de l’accessibilité des transports en commun

Bus

Si 100% des bus sont aujourd’hui équipés d’une rampe manuelle à déploiement électronique, ce mode de transport est une solution simple et efficace avec une multitude d’itinéraires que l’on aime prendre sur des distances courtes et moyennes. Toutefois on a toujours cette incertitude qui nous taraude car les rampes peuvent tomber souvent en panne1. Problème de maintenance, de conception, de formation des conducteurs ? Affaire à suivre…

Tramways

Impulsés par l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoé, les tramways ont réellement changé la vie des personnes en fauteuil roulant. Quais parfaitement adaptés, de nombreuses lignes qui font le tour de Paris et qui traversent de nombreuses villes d’Ile-de-France, des emplacements pensés pour le fauteuil roulant sur certaines lignes… Le seul point négatif que l’on peut remonter est le sous-dimensionnement de l’offre en heure de pointe le matin, qui a tendance à transformer la courtoisie des usagers en comportement animal que l’on voit en principe pendant les grèves.

Métro

Une merveille technologique à l’époque du lancement, si bien que nous parisiens avons aujourd’hui le réseau le plus dense et l’un des plus vieux de toute l’Europe. La ligne 14 est accessible, les futures lignes 15, 16 et 17 le seront aussi y compris les prolongements des lignes 4, 11 et 14. Son ancienneté rend coûteuse et complexe la mise en accessibilité des stations existantes même s’il arrive que l’on commence à voir certaines stations avec des ascenseurs assez grand pour accueillir des poussettes, mais pas assez pour permettre l’entrée d’un fauteuil roulant électrique.

RER A, B, C…

Un énorme travail a été fait pour accessibiliser les gares avec des ascenseurs et des rampes d’accès à tel point qu’aujourd’hui, 100 % des gares du RER A et B sont accessibles, et une grande majorité des autres lignes seront au même niveau dans quelques années. La ligne H fait figure d’exception car elle dispose de trains de dernière génération qui possèdent une rampe qui sort automatiquement.

Alors quel est le vrai problème ?

Ne créons pas de fausses polémiques, l’accessibilité ne cesse de s’améliorer au fil du temps. Mais le vrai problème est le NIVEAU d’accessibilité qui est offert. Car oui, lorsque l’on dit qu’une gare est accessible, il faut toujours se demander quel est le niveau d’accessibilité proposé.

Niveaux d’accessibilité2

  • Niveau 1 : « Train accessible sur demande auprès d’un agent du lundi au vendredi de 6h30 à 20h ou sur réservation préalable la veille avant 12 heures… » (ex : Trains et RER en Gares SNCF hormis pour certains Tranciliens et la ligne H du RER).
  • Niveau 2 : « Train accessible sur demande auprès d’un agent » (ex : RER A et B hors gares SNCF).
  • Niveau 3 : Train accessible en toute autonomie. (ex : Métro Ligne 14, Tramways, Bus, RER ligne H)

L’adage selon lequel le diable se cache dans les détails est bien présent sur une accessibilité de niveau 1 qui implique de planifier son programme bien en avance. Oubliez les invitations à la dernière minute pour des samedis soirs enflammés ou pour venir en aide à un proche qui serait malade. Et même si vous réservez à l’avance, préparez vous à un manque de professionnalisme de la part de la SNCF qui est souvent incapable d’avoir des agents en gare pour installer une rampe et ouvrir l’accès PMR dans la gare du Stade de France dénuée de portiques automatiques assez large.

Leur réponse pour ce genre de problème est l’envoi d’un Taxi G7 avec rampe d’accès3, mais même avec toute la bonne volonté du monde, ils sont capables d’envoyer un taxi sans rampe d’accès.

Pour l’accessibilité de niveau 2 il y a du mieux. Les plans de dernière minute peuvent être honorés dans les règles de l’art et on a un peu plus l’impression de pouvoir avoir une vie, même si la procédure de prise en charge du client reste archaïque depuis plus d’une quinzaine d’années :

  1. Signifier à un agent la destination souhaitée (2 min en moyenne)
  2. L’agent appelle la station de destination afin de savoir si les ascenseurs fonctionnent et si l’agent de destination sera en mesure d’installer la rampe à l’arrivée du client (1 à 3 min. 5 à plus de 20 min si la destination est gérée par une gare SNCF)
  3. L’agent donne le feu vert au client pour aller sur le quai et lui dit dans quel train il sera
  4. L’agent rejoint le client en tête de quai et déverrouille la chaîne qui retient la rampe
  5. Une fois que le train est en gare, l’agent prévient le conducteur et installe la rampe permettant au client de monter dans le train
  6. L’agent retire la rampe pour permettre au train de repartir, puis la revérouille
  7. La gare de destination fait descendre un agent qui devra installer la rampe afin que la personne sorte du train (répétition des étapes 4, 5 et 6)
Rampe utilisée par la RATP dans la grande majorité des stations du RER B

Les agents en première ligne font leur maximum pour permettre au client de prendre son train au plus vite, mais toutes ces interactions font perdre un temps précieux. Plus inquiétant encore, l’agent est soumis à un travail éprouvant et répétitif pouvant créer des troubles musculo squelettiques importants. En effet, la rampe employée à cet effet est lourde (+/- 10 kg) et difficile à manipuler. Il arrive aussi dans certaines gares (ex: Cité Universitaire) que l’agent doive pousser le fauteuil roulant (même électrique de 200kg) pour gravir une pente avec un degré trop important qui présente un risque de retournement.

Descente d’un client en fauteuil roulant électrique à Cité Universitaire dans le sens Aéroport CDG

Si l’on voit bien sur la photo que les roues avant du fauteuil roulant électrique sont décollées du sol, on peut regretter aussi que certaines gares éloignées de la capitale soient devenues des gares fantômes. Économies de personnel ou apprentissage du don d’ubiquité, la réalité est que des agents sont obligés de faire la navette entre les gares pour être en situation d’accueillir la « mission » qui souhaiterait descendre dans la fameuse gare fantôme.

Bien évidemment, les agents ne pouvant pas être plus rapides que les clics de souris de leur supérieurs qui n’hésitent pas à les blâmer à la moindre once d’humanité non autorisée dans le process, ils sont malgré eux obligés d’imposer dans ce cas précis une attente au client qui se compte en plusieurs dizaines de minutes. En général après 30 minutes d’attente, le client renonce à son déplacement.

Concernant l’accessibilité de niveau 3, sachez qu’elle est synonyme de liberté, même lorsqu’un ascenseur tombe exceptionnellement en panne4.

Le constat pour les Jeux Olympiques

Si nous pouvons voir dans les médias une multiplication de communications visant à montrer que le sujet de l’accessibilité a été pris en main avec le triplement de la flotte de taxis accessibles pour atteindre 1000 taxis, aucune amélioration n’a été faite en ce qui concerne le RER A et B.

Pas d’amélioration d’accessibilité de niveau 2 vers le niveau 3

À ma connaissance, il n’y a eu aucun effort pour améliorer le niveau d’accessibilité du RER A et B, alors que des actions simples auraient pu permettre le passage d’une accessibilité de niveau 2 au niveau 3 sans pour autant avoir à rénover tous les quais et dépenser des centaines de millions d’euros.

J’entends par cela l’installation de plate-formes préfabriquées en métal texturé recouvertes d’un revêtement anti-dérapant, permettant de rehausser uniquement la partie avant du quai. Si nous sommes capables de copier Amsterdam sans aucune personnalité pour les vélos, nous pouvons très bien copier cette solution utilisée pour le métro de Barcelone. Cela permettrait une mise en accessibilité totale avec un déploiement rapide, tout en permettant une diminution drastique des coûts, comparé à un rehaussement complet des quais qui implique une fermeture de gare pendant plusieurs mois.

Quai du métro de Barcelone surélevé en tête
Plate-forme préfabriquée en métal placée à l’avant du quai du métro de Barcelone

Ne serait-ce que d’un point de vue du capital humain de la RATP, une amélioration de l’accessibilité aurait permis aux agents de ne plus avoir à se casser le dos avec l’installation de la rampe.

En attendant une accessibilité de niveau 3, aller vers un niveau 2.5

Paris ne s’est pas faite en un jour, et visiblement, le manque de savoir-faire de nos législateurs continuera de retarder cette fameuse loi de 2005 qui aurait dû être appliquée il y a déjà 19 ans.

Une accessibilité de niveau 2.5 signifie pour moi la simplification des procédures mises en place, le retrait de certaines règles et la création d’outils permettant d’accélérer la prise en charge du client.

  • Retrait ou assouplissement de la règle qui empêche d’être à plus de deux fauteuils roulants dans un train, même lorsque le client en situation de handicap n’a pas besoin d’assistance (2 PMR en porte 1, 1 PMR en porte 2, 3 et 4)
  • Suppression des 30 secondes d’attente de l’ascenseur si le passe Navigo validé appartient à une personne en situation de handicap
  • Amélioration de l’équipement des agents (ex : rampe plus légère, ceinture de maintien lombaire…)
  • Mise en place de portiques automatiques assez large pour le passage d’un fauteuil roulant dans toutes les gares sans exception, a commencer par la plaine Stade de France
  • Création d’une application permettant d’automatiser et d’accélérer le processus de demande d’assistance

J’essaierai de prendre le temps de détailler certaines des idées susmentionnées dans une série d’articles prochainement.

Si une partie de moi espère réellement que la ville de Paris et que toute l’équipe travaillant sur les Jeux réussiront leur mission, je crains que nous ayons grandement raté le coche du point de vue de l’amélioration de accessibilité des transports en communs.

Croisons les doigts pour que les touristes étrangers en situation de handicap réussissent à supporter la laideur de Paris embouteillée lorsqu’ils prendront le taxi et qu’ils nous excuseront sur le fait que notre beau pays de liberté, d’égalité et de fraternité, ose laisser la RATP leur vendre un ticket « vache à lait » à 4€ l’unité.

  1. La veille de la publication de cet article aux environs de 22h20, je suis tombé sur un bus de la ligne 62 avec une rampe en panne. Ne voulant pas attendre le prochain bus dans 9 minutes (délai acceptable), j’ai préféré effectuer les 5 stations de mon trajet en roulant. ↩︎
  2. Niveaux d’accessibilités non officiels créés à partir du Plan pour les voyageurs en fauteuil roulant d’Île de France Mobilités. ↩︎
  3. Si un problème survient lors du trajet qui a été réservé, la SNCF s’engage à trouver une solution pour que son client arrive à bon port (ex: taxi, transporteur spécialisé…). Aucune solution n’est proposée pour le client qui décide de prendre le train à l’instant T. En général, on lui fait comprendre qu’il aurait dû réserver hier ou qu’il devrait plutôt reporter son trajet à demain. ↩︎
  4. Phrase à prendre avec des pincettes car je fais partie de l’école du verre à moitié plein. ↩︎

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